Né à Halberstadt
au sortir de la guerre le 4 juin 1948 en zone d'occupation
soviétique, Jürgen Sparwasser apprend très vite à jongler entre
le bien et le mal avant de s'exercer avec un ballon. En Allemagne, la
cohabitation entre les Alliés ne cesse de se dégrader sous
l'influence des deux puissances dominantes qui contrôlent le pays,
lesquelles s'opposent et rompent tout échange diplomatique sur le
statut de Berlin-Ouest qui débouche sur le blocus de la ville
ordonné par l'URSS. Nous sommes le 24 juin, Jürgen n'a pas encore un mois mais déjà une vie bien conditionnée. La bataille de Berlin
perdue, les Soviétiques instituent alors la RDA le 7 octobre 1949
en réponse à la création de la RFA quelques mois auparavant côté
Ouest. Dans sa petite ville natale de 40.000 âmes coincée entre le
rideau de fer et Magdebourg, Sparwasser apprend à marcher droit et
taper dans la balle sous l'impulsion du père, entraîneur de
l'équipe locale - BSG Lokomotive Halberstadt - que Jürgen intègre
à 12 ans, et pépinière régionale du SC Aufbau Magdebourg qui
forme les juniors du F.C Magdebourg. DDR style. La carrière du jeune
milieu de terrain est toute tracée d'autant que Jürgen montre de
bonnes dispositions vite remarquées par les dirigeants de l'équipe
nationale junior est-allemande. Lors de sa première sélection
contre la Bulgarie en 1964, il inscrit le but de la victoire. A 16
ans, Sparwasser a son destin (presque) entre les pieds et remporte
dans la foulée le tournoi international junior de l'UEFA avec sa
sélection (1965) aux dépens de l'Angleterre (3-2). Jürgen ouvre la
marque et frappe à la porte de l'équipe première du F.C Magdebourg
qui lui donne sa chance juste avant ses 18 ans, le 26 février 1966,
contre Hansa Rostock. Quinze jours plus tard, le milieu est-allemand
ouvre son compteur but en Oberliga contre Rot-Weiß Erfurt
(12/3/1966). Une saison marquée par un bilan timide (6 matches/2
buts) mais plein d'espoir avec la satisfaction d'honorer pour la
première fois le maillot des – de 21 ans la même année. Une
sélection (7 au total) avec laquelle il ira chercher la médaille de
bronze aux J.O de Münich (1972).
Dès l'exercice
suivant, Sparwasser s'impose dans l'équipe et devient un titulaire
indiscutable. Un statut qui ne le quitte plus jusqu'à la retraite et
facilité par la descente de son club à l'échelon inférieur.
Meilleur buteur de l'équipe (22 buts), Sparwasser participe
activement à la remontée (1966-67) et permet par la suite à
Magdebourg de s'installer durablement vers le haut du tableau, en
terminant meilleur canonnier du club pendant trois années successives
(1968, 69 et 70). Des titres honorifiques qui ne remplacent pas un
vrai trophée qui tarde à venir malgré son jeune âge. Jürgen
patiente jusqu'à la fin de la saison 1969. Cette année-là,
Magdebourg remporte pour la 3ème fois de son histoire la coupe de
RDA après les succès de 1964 et 65. Vainqueur à quatre autres
reprises (1973, 78, 79 et 83), le club du bord de l'Elbe est
d'ailleurs co-détenteur du record de victoires (7), un titre qu'il
partage avec Dynamo Dresde. Une coupe dans les mains, Jürgen
Sparwasser goûte aussi aux amuses-gueules et une première sélection
chez les A - contre le Chili (22/6/1969) - avec qui il entretient des
rapports ambigus. Pas vraiment un taulier malgré ses 53 capes (15
buts) et sa participation aux tournois majeurs (J.O et coupe du
Monde). Peu importe, Sparwasser se concentre sur son club et connaît
ses meilleures années à l'aube des seventies. Sous la houlette de
l'entraîneur Heinz Krügel, Magdebourg remporte trois titres de
champions (1972, 74 et 75) et écrase la concurrence en RDA, voir
ailleurs. Le point culminant de cette domination: la victoire en
coupe des vainqueurs de coupes (C2) face au Milan A.C à Rotterdam
(2-0). Magdebourg devient alors le premier club est-allemand à
remporter un trophée européen. Un titre définitif aujourd'hui.
Consacré meilleur
buteur de l'équipe en 74 et 76, Sparwasser perd peu à peu le fil de
sa carrière à l'approche de la trentaine, et prend sa retraite au
terme de la saison 1978-79 à cause d'une douleur récurrente à la
hanche. A 31 ans et diplômé en génie mécanique, Sparwasser
poursuit une formation de professeur d'éducation physique (1980). La
reconversion classique des anciens sportifs de haut niveau dans les
pays de l'Est. Mais Jürgen se heurte à ses positions politiques et
son refus de collaborer activement à l'appareil de l'état malgré
son intégration au parti dès 1973. Nommé entraîneur-adjoint de
son club, on lui refuse le poste d'entraîneur en chef auquel il
postule à plusieurs reprises. Pas assez socialiste. Sparwasser
devient alors assistant de recherche à l'université de Magdebourg -
la récompense pour les services rendus à la nation - et n'a plus
qu'une idée en tête: fuir son pays et la répression politique
subie par sa famille. En 1988, un an avant la chute du Mur, Jürgen
profite d'un match à Sarrebrück avec les anciens du F.C Magdebourg
pour passer à l'Ouest, chez l'ennemi, et devient pour le coup « un
traitre à la patrie » selon le Neues Deutschland,
quotidien est-allemand et organe officiel du SED. Le but de la 77ème
minute est définitivement aux oubliettes. Sauf pour lui, et
peut-être quelques nostalgiques, qui déclare avec philosophie : « Si
vous voyez un jour écrit sur une tombe, Hambourg 74, tout le monde
saura qui se cache en dessous ». Un secret de polichinelle en quelque sorte, comme l'histoire du maillot de Paul Breitner, mis au enchères depuis au profit d'une association caritative, qu'il garda jalousement chez lui après l'avoir échangé contre le sien dans les vestiaires du Volksparkstadion. Pour ne pas froisser les dirigeants de son pays qui avaient l'oeil sur tout. Principalement sur lui. Les héros ont rarement fait long feu en ex-RDA.
Schwarzy sort les muscles.
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