ERIC SERRA-TOSIO (Dionysos). Le fou du stade.

Il y a quelques années (ça doit remonter à l'hiver 2005) The Vintage Football Club - qui n'existait encore pas - évoquait avec Eric Serra-Tosio, batteur au sein du groupe Dionysos, sa passion pour les stades de football. Un hobby qu'il emmène avec lui dans le tour-bus puisque Rico profite des tournées de sa formation à l'époque pour visiter des enceintes à travers toute l'Europe. Eric Serra-Tosio est en fait un ground-hopper, qui n'hésite pas à enjamber les grilles pour shooter ces temples du football afin de les reproduire par la suite en version miniature. Bercé par la nostalgie, le batteur fou confie sa préférence pour les vieilles pierres et les stades à l'ancienne, chargés d'histoires et au passé rempli de souvenirs. Retour sur un entretien un peu « against modern football » et la qatarisation des esprits. 
(in Spartak fanzine - épuisé – 2005).


V.F.C : J'ai appris que tu fabriquais des stades à échelle miniature en t'appuyant sur ta collection de photo personnelle. Comment t'y prends-tu, avec quelle matière, combien de temps cela te demande et le nombre de maquettes réalisées à ce jour ? E.S.T : J'ai visté plus de trois-cent-cinquante stades de 1ère et 2ème division dans le Monde, suite à mes vacances ou aux concerts. Je prends alors le stade en photos sous toutes ses coutures, environ un trentaine, pour le connaître sous ses moindres détails et pouvoir le reproduire fidèlement. Après je laisse jouer mon imagination et mes astuces pour fabriquer la maquette du stade visité. Tous mes stades sont fait uniquement avec un cutter, du papier-couleur, du carton, de la colle UHU et de la colle blanche. Je les fais tous à la même échelle, environ 25 cm, et cela permet de bien las comparer. En gros, il me faut 4/5 jours pour une maquette, mais les stades arrondis avec deux étages sont plus difficiles à réaliser. Aujourd'hui, j'ai une cinquantaine de stades presque terminés.

Lesquels ? Le Vélodrome de Marseille, la Mosson à Montpellier, Bollaert, Geoffroy-Guichard, le Parc des Princes, Furiani, Louis II, Celtic Park, Ibrox et Hampden à Glasgow, Wembley, Anfield Road, Highbury, San Siro, le stadio Comunale à Turin, Tardini (Parme), le Wankdorf de Berne, la Praille à Genève, le Hardturm et le Leitzigrun de Zürich....

D'où est venue cette passion pour les stades, et qu'est-ce que ça représente pour toi ? Vers six-sept ans, je me suis mis à jouer au foot avec mes copains sur la place de mon village et, par conséquent, je me suis mis à regarder les matches à la télé. Mes héros étaient alors Platini, Olmeta et l'équipe de l'OM quelques années plus tard. J'ai alors suivi leurs conquêtes, et ce ce champs de bataille qu'étai le stade que je voyais à travers ma petite lucarne me permettait de voyager et de découvrir des villes dont je ne connaissais même pas l'existence. Plus tard, en voyageant et en visitant le stade de toutes ces villes, je me remémorais les exploits de mes héros préférés et l'ambiance qu'il y avait à l'époque. Les stades me rappellent mon enfance et me permettent aussi d'assouvir mon besoin d'adrénaline. Parfois, si le stade est fermé, il faut escalader les grilles et surtout ne pas se faire mordre par le chien de garde ou surprendre par les caméras de surveillance. Chaque fois je me dis : « tu n'es pas arrivé jusqu'ici pour rester devant une grille. Il faut trouver une ouverture ». Impressionné par ces immenses vaisseaux, je me suis alors intéressé à l'architecture et à l'exploit technique de leur construction.

Quels sont, parmi tous les stades visités, ceux qui tu préfères ? Mes stades préférés sont généralement les plus vieux. Ceux qui ont une histoire. J'adore les stades asymétriques qui n'ont pas deux tribunes identiques. Mon préféré n'existe malheureusement plus. C'était le stade Jean Bouin à Nîmes. Les tribunes s'appelaient Petite Butte ou Grande Butte. Elles étaient taillées au couteau et s'encastraient dans les maisons et immeubles l'entourant. 15.000 spectateurs s'y entassaient et certains s'accrochaient aux pylônes métalliques rouillés des éclairages. L'accès au stade se faisait par de toutes petites portes en fer peintes en vert. Le vieux stade de Furiani à Bastia avait un aspect similaire. Parmi mes autres stades préférés, il y a le stadio Comunale à Turin où Platini jouait. Le vieux Hampden Park de Glasgow où St-Etienne perdît sa finale, le stade du Wankdorf à Berne où la grande équipe de Hongrie se fît surprendre par une Allemagne terrifiante. Le stade de Leipzig, antre de la doctrine communiste de la RDA avec ses 120.000 places, ressemblait à un gigantesque cratère de volcan. Et forcément, se retrouver à l'intérieur et revenir dans le passé impressionne. C'est la même chose avec le stade Olympique de Berlin où Jessie Owens fît l'affront de ridiculiser l'Allemagne devant son führer.

Stade Jean Bouin. Nîmes.

N'as-tu pas le sentiment que de nos jours la plupart des stades se ressemblent, et ressemblent de plus en plus à des centres commerciaux, des antres du libéralisme économique, plus qu'à des arènes populaires ? Effectivement. Les nouveaux stades ne sont plus des arènes populaires. Finies les places debout et les bancs en bois sur lesquels tout le monde se tenait chaud en sautant et garantissait l'ambiance. Maintenant, certains stades sont des références mais ils n'ont aucune personnalité. Le stade de France malgré la victoire de 1998 est un stade fade avec ses sièges tout gris. Il ressemble à l'aéroport Charles de Gaulle. Certes, son architecture est imposante mais l'ambiance n'y est pas. Et beaucoup de villes disent de leur stade que c'est un mini-stade de France. Quel dommage ! Malheureusement, un stade se doit d'être rentable aujourd'hui, alors ils sont tous bâtis sur le même modèle. Je préfère en tous cas les vieux stades rouillés et biscornus.

Comment fais-tu pour faire accepter ta passion au sein de Dionysos ? N'es-tu pas sujet à quelques moqueries ? Personne ne se fout de toi ? Il n'y a aucune moquerie au sein du groupe. Nous aimons les gens passionnés, et il n'y a rien de plus triste que des gens sans passion. C'est vrai, c'est farfelu mais la visite de chaque stade et les risques que je prends permet de raconter une petite histoire. En plus, la majorité du groupe aime le football. On a même visité ensemble le stade de Leipzig...

Y a t-il des gens avec qui tu partages cette passion dans le milieu où tu évolues ? Culture et football n'ont jamais fait bon ménage dans ce pays ? Beaucoup de musiciens aiment le football. Sans doute parce que l'ambiance des stades rappelle les salles de concert. On joue également devant son public et les gens font parfois la « ola ». Alors découvrir un stade ou une salle de concert, c'est un peu la même chose. Mais c'est vrai que je dois être un des seuls à visiter des stades et les reproduire en maquette. En tous cas, j'ai l'impression que la culture et le football se rapprochent de nos jours. Le football m'a permis de connaître parfaitement et de manière ludique la géographie. On peut aimer le foot, et par conséquent les stades, sans être forcément un bourrin. La culture est maintenant de plus en plus large et le football, véritable phénomène de société, y à sa place.

Le premier stade dans lequel tu as mis les pieds ? Le premier stade que j'ai visité, c'est le stade Gerland à Lyon en 1983 avec mon père.

L'émotion la plus forte que tu as connu dans un stade ? Dans un stade vide, c'est sans doute celle que j'ai connu en pénétrant sur la pelouse du vieux stadio Comunale à Turin. A chaque pas, je me transformais en Platini et je revoyais tous ses coups-francs magiques qui s'écrasaient dans ces filets à la forme caractéristique. Le stades de Berlin et de Nüremberg pour des raisons bien plus tristes m'ont également beaucoup marqué. Par contre dans un stade plein, je citerai Geoffroy-Guichard où mon père m'avait emmené en 1984. C'était le premier match de foot auquel il allait assister, et pour moi aussi. J'avais tout juste dix ans. Et ce soir-là, Platini pour son retour à St-Etienne avec sa si belle équipe de France allait donner un récital à cette accrocheuse équipe de Yougoslavie. C'était durant l'Euro. Trois buts merveilleux dont je me souviendrai toute ma vie.

Le Parc Gaston Gérard à Dijon, tu connais ? As-tu déjà eu l'occasion d'y faire une visite ? Et oui, je connais le Parc Gaston Gérard avec sa piste d'athlétisme (avant sa rénovation, ndlr) et ses tribunes latérales couvertes. Il y a de grands espaces verts autour. Je l'ai visité après un concert à La Vapeur il y a quelques années...

Dernière question. Peux-tu me situer ces stades : Auguste Delaune ? Marcel Saupin ? Emile Albeau et Yves Jaguin ? Auguste Delaune c'est Reims. Saupin, c'est Nantes. Albeau c'est Sedan et Jaguin, c'est le vieux stade de Guingamp.

Parc Gaston Gérard. Dijon. (2013 - SR)

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