Michel Ville, accompagné de son orchestre, est l'homme qui valait 10.000 bals selon La Nouvelle République. Un sympathique jeu de mots pour présenter ce personnage haut en couleur, fan de musique et de football. Une passion à l'Anglaise qui l'amène à la fin des années 70 à composer et produire « Allez F.C.T », un hymne en hommage à son équipe fétiche le F.C Tours dont il fût vice-président du Club des Supporters durant de longues années. Un morceau composé « at home », sans trop de moyens financiers, mais avec l'énergie et l'âme des fidèles animés par la foi. Pour Michel Villeneuve (d'après l'état civil), ce 45 trs auto-produit est une façon de s'identifier à son équipe et d'apporter aussi quelques deniers à l'Amicale des Supporters tourangeaux pour faire vivre économiquement l'association. « Un collector » affirme t-il en rigolant, qui ne laisse pas insensible The Vintage Football Club, toujours à la recherche des trésors précieux, qui veut en savoir un peu plus sur cette galette et son auteur.
La création de Michel Ville et son Orchestre remonte à 1971. « C'est le plus vieil orchestre d'Indre-et-Loire et sur une dizaine de départements » commente celui qui monte sur scène pour la première fois le 21 octobre exactement en compagnie de ses musiciens. Les photos d'époque font immédiatement penser à un groupe pop-rock de la fin des 60's. « Mais tout dépend de ce qu'on appelle pop-rock, souligne l'intéressé. En fait, j'ai toujours été un orchestre de variétés. C'est-à-dire comme diraient certains, les bals populaires ». Les modèles et influences de Michel sont quand même divers. « On jouait tous les tubes, qu'ils soient Français, Anglais ou Américains. Quand il y avait un morceau des Beatles qui sortait, on le jouait. La même chose pour Pierre Perret ». Tous les succès de la variété française et étrangère n'ont aucun secret pour Michel Ville et son Orchestre qui enchaîne les dates dès le début de la formation made in Touraine. Une région qui lui tient à cœur comme le club phare local, le Football Club de Tours. Le moment d'évoquer avec lui cette passion et ce fameux single où ne figure aucune date de sortie.
« Je vais être honnête, je ne m'en rappelle pas, confie son auteur. Je crois que c'était l'année avant que le FC Tours monte en première division ». Nous sommes donc pendant la saison 1979-80. Michel Ville puise alors dans les tréfonds de ses souvenirs et corrige de lui-même. « Avant, le F.C Tours était au Stade de Grandmont et j'ai fait le disque l'année où le club a intégré le stade de la Vallée du Cher. Mais l'équipe (représentée sur la pochette, ndr) est photographiée, il me semble, au parc de Grandmont ». On arrive alors à l'année 1978, date à laquelle le F.C Tours accède au statut professionnel, quatre ans après son accession en deuxième division (1974-75). Peut-être, par supposition, une manière de fêter l'événement en sortant un disque à la gloire de l'équipe tourangelle ? Celui-ci, en tous cas, naît d'une belle histoire entre un bassiste féru de musique qui a commencé sa carrière professionnelle à l'âge de 16 ans et le rectangle vert. Michel Ville raconte la genèse de ce 45 trs.
« J'étais le vice-président du club des supporters à l'époque et comme j'avais mon orchestre et que je suis un fana de foot, j'ai proposé à l'amicale de faire un disque pour gagner deux-trois sous ». Les conditions de Michel sont très simple : il ne prend rien car l'enregistrement de ce dernier permet, d'après l'intéressé, de faire la publicité de sa petite entreprise auprès du public. Le tout dans un esprit purement do it yourself. « On a enregistré avec nos propres moyens. Et ça nous a coûté zéro centime, si ce n'est que de faire la maquette dans un studio amateur. D'ailleurs, ça s'entend sur le disque, on sent bien que c'est pas terrible » concède l'auteur en toute franchise. « Voilà, c'est comme ça que tout est parti. Et le disque est sorti l'année précédant la signature de Delio Onnis à Tours. D'ailleurs il ne figure pas dans l'équipe qui est sur la pochette ». L'enquête est bouclée. Enregistré au cours de l'année 1978, « Allez F.C.T » sort l'année suivante au moment où les Tourangeaux se hissent en première division après un exercice 1979-80 réussi (1er du Groupe A et vice-champion de D.II, battu par Auxerre pour le titre).
Dans son élan Michel Ville, affable et disert, évoque les souvenirs d'une époque lointaine et son rapport au football et au F.C Tours. « Bernard Ferrigno est un copain. Pierre-Antoine Dossevi, je le connais bien puisqu'on était dans le même lycée. Je suis toujours ami avec quelques anciens de la grande époque du F.C.T ». Les vieilles gloires sont à l'honneur chez Michel qui développe par ailleurs sur ses activités de bénévole au sein de l'association à l'époque. « Je sais ce que c'est que d'aller faire des frites, aller vendre des fanions, parce que le foot est vraiment une passion. Mon nom d'orchestre me servait certes un peu à frimer parce que j'avais fait l'hymne du club et que le F.C Tours était en première division ». Sans profiter néanmoins de son statut de bénévole ni exagérer sur les avantages de sa position de vice-président. « J'ai toujours refusé les places de stade offertes par le Club des Supporters aux bénévoles pour assister aux matchs, afin de ne pas susciter les jalousies et les commentaires mal placés ». Le musicien d'Athée-sur-Cher est une personne humble, dépourvue de sens tactique calculateur. Sauf peut-être sur la distribution et la vente du disque qu'il faut bien écouler pour la bonne cause du Club des Supporters.
« À la foire de Tours, l'association avait un camion publicitaire, se souvient Michel. J'étais toujours accompagné d'un dirigeant du Club des Supporters et quand on invitait un joueur, c'est là qu'on vendait le plus de disques. Surtout quand il y avait Delio Onnis ou Omar Da Fonseca ! On avait aussi deux stands autour du stade et on en a vendu peut-être 1000 ou 2000 comme ça. J'en mettais aussi en dépôt-vente dans les magasins du type Monoprix. Mais c'était à un échelon régional, pas vraiment au niveau national ». Une sorte de système D qui fonctionne plutôt bien, certes à un stade local, et profite des opportunités en matière de communication pour booster les ventes. « Chaque fois que le F.C Tours était annoncé à la télé régionale sur FR3, nous avons eu la chance, le Club des Supporters et l'orchestre, que le disque passe en fond musical. C'était une satisfaction personnelle de l'entendre sur les ondes, et pas uniquement pour une question de droits d'auteur ». C'était la belle époque, révolue, que Michel Ville regrette un peu même si sa passion pour le ballon rond reste intacte. Quid alors de son rapport avec son club de nos jours ?
« Je suis toujours un fidèle même si ma profession ne me permet pas d'aller au stade. Le bal populaire, c'est les week-ends et pas le lundi ni le mardi, mais je suis attristé de voir où nous en sommes. Quand je vois qu'ils jouent contre Montlouis, un petit bled à côté de chez moi, ça fait mal au ventre, mal au cœur, enfin partout où ça passe quoi ! ». Désormais en National 3, le Tours F.C (renommé ainsi depuis 1993) ne génère plus les centaines de kilos de frites épluchées au début des années 80. Tout juste quelques sandwichs et deux-trois fûts bières à la mi-temps. Et la foi qui s'étiole un peu quand même. Michel l'avoue d'ailleurs à demi-mots pour conclure : « Je reste un fana de foot, mais je ne dirais pas du F.C Tours, je mentirais, car j'ai un petit peu honte de voir où on en est. Je préfère maintenant regarder les matchs du championnat anglais parce que je trouve que ça joue mieux ». En attendant secrètement la renaissance des Ciel & Noir et un second volet à « Allez F.C.T » ou une version remasterisée par Michel et son Orchestre.
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