Mazette, c'est vendredi 13 ! Pas trop le jour des frappés de la superstition, malades à l'idée de mettre un pied dehors de peur de rencontrer la poisse au coin de la rue. Mais qu'en est-il des footballeurs, et plus particulièrement des gardiens de buts, un poste ingrat en temps normal, pour échapper au chat noir et au but casquette ? Rencontre avec quelques-uns des meilleurs portiers de l'héxagone de l'époque qui nous livrent leurs recettes pour conjurer la guigne. Heu, sont pas treize à table, non ou bien ?
Et on commence par DOMINIQUE BARATELLI qui ne se considère pas particulièrement superstitieux. Pas du tout en fait. Juste « quelques habitudes, des repères qui font partie de la préparation psychologique, mais pas de porte-bonheur ni de chiffre préféré. » Doumé avoue cependant qu'il aimait porter des maillots jaunes, surtout en nocturne. Une vielle ruse car, selon le portier international (21 sélections) passé par Nice et PSG, la couleur vive pouvait gêner les attaquants adverses. Malheureusement pour lui en 1984, lors du second tour de la coupe UEFA, les Hongrois de Videoton jouaient avec des lunettes de soleil au Parc des Princes.
EUGENE BATTMAN, qui a gardé les bois du F.C Sochaux dans la première moitié des 70's, était bel et bien dans le Doubs avant d'aborder une rencontre. « La veille d'un match, je me couchais avec les poules, concède le comic-footballeur très pote avec Robin Huc. Et pour l'échauffement, je voulais toujours arriver le premier sur le terrain. Puis je me signais avant les matchs, mais ça je le faisais en douce. » Et les soirs de victoire à Bonal, il offrait du Joker à l'orange aux copains après la douche.
Bertrand-Demanes vs Baratelli.
L'indétrônable gardien nantais JEAN-PAUL BERTRAND-DEMANES fait fi des croyances surnaturelles. Avec lui, pas de chichi ni de gri-gri, car JPxBD l'assure : « Un bon gardien en forme a toujours de la chance ». En vingt ans de carrière, son palmarès cause pour lui (4 titres de champions et 1 coupe de France) malgré quelques boulettes quand même, dont une qui lui reste en travers de la gorge. Un match contre Valenciennes en coupe. Le terrain est gelé et Didier Six tente une frappe lointaine. « J'ai voulu arrêter le ballon pour relancer rapidement, se souvient le grand canari, mais j'ai été trompé par un rebond et il m'est passé entre les jambes... » Pas vraiment un coup du sort, mais plutôt Didier la foudre qui a frappé pour le coup.
Comme Dominique Baratelli, GEORGES CARNUS aimait aussi porter du jaune. Un maillot de leader comme il le fût à Sainté, Marseille et en équipe de France. Et comme son homologue nantais Bertrand-Demanes, Carnus croit en la chance. « Mais à vrai dire, elle est synonyme de forme. Techniquement et physiquement, il faut être prêt. » Sinon, l'ancien gardien des Verts et de l'OM avait quand même ses petites manies. Comme s'asseoir à la même place dans les vestiaires, en déplacement, quand le résultat avait été bon la saison précédente. Les jours de matchs, il prenait aussi toujours la même nourriture. Des cakes Rocher ?
Quand il gagne sa place sur le terrain, RENE CHARRIER n'a pas vraiment de rituel. Ou presque. Le gardien de l'OM passé par Sedan et le Paris F.C prend l'habitude de piquer deux sprints dans la largeur de ses 16 mètres. Dans les vestiaires, c'est la même rengaine, il est assis au bout du banc. Et à l'échauffement, il répète les mêmes gestes dans le même ordre. « Je portais également le même tricot sous mon maillot de match depuis 1973, avoue l'éphémère portier des Bleus (2 sélections). C'était celui du gardien de but espoir allemand, échangé à l'occasion d'un France-Allemagne. Ce maillot a tellement servi – au moins deux-cent cinquante matchs – qu'il est aujourd'hui presque en charpie ! » Comme sa carrière internationale qui prend fin après une piètre prestation contre le Portugal à Colombes (0-2, 1975). Charrier encaisse un but-casquette en dégageant un ballon sur Marius Trésor, surpris par la manoeuvre qui profite à Néné, lequel ouvre le score. René est remplacé à la mi-temps par Baratelli et n'aura plus l'occasion de porter le maillot frappé du coq. Il se console alors avec un petit ours en peluche, un porte-bonheur qui l'accompagne dans son sac à gants de rechange. Charrier le dépose toujours à droite, dans le fond des buts.
« Chaque fois que j'ai joué avec un maillot vert, ça s'est mal passé » gronde JEAN-LUC ETTORI qui n'a pas oublié Bryan Robson et Paul Mariner, ses bourreaux de Bilbao. Sur la fin de ma carrière, j'évitais absolument de porter cette couleur. Tout sauf du vert ! » Mais sa carrière internationale était déjà rangée dans la malle aux souvenirs, après un mondial 82 peu convaincant malgré une demi-finale d'anthologie. En rouge cette fois, mais avec les larmes à la fin quand même. Sauf pour un jeune espagnol peut-être. « Quand on ne perdait pas, je prenais soin de garder la même paire de gants pour la prochaine rencontre, explique celui qui a fait toute sa carrière sur le Rocher. En revanche, si on était battus, j'en faisais cadeau – même s'ils étaient neufs – au premier ramasseur de balles qui passait... » Le beau geste selon Jean-Luc.
Partout où il passe, GUY FORMICI promène une casquette avec lui. Une vieille habitude qui remonte à son enfance quand il allait voir son gardien préféré, le dimanche après-midi, lequel arborait avec classe son accessoire de mode pour se protéger du soleil. Devenu pro, le gardien passé par Metz, Nancy, Troyes et Montpellier rend hommage à son modèle. « Je la plaçais au fond de mes buts, raconte l'homme des bois aubois. Elle m'a suivi toute ma carrière. C'était devenu mon porte-bonheur. » Un talisman qui ne l'a pas empêché de se retrouver sur le billard plus souvent qu'à son tour. Au total, Guy Formici a subi quatorze opérations durant toute sa carrière. A cause de son jeu spectaculaire et un goût prononcé pour la prise de risque. C'est ainsi que Carlo Molinari, ex-président du F.C Metz qui a connu son protégé alors qu'il avait 14 ans, l'appelait le kamikaze.
ANDRE LANNOY, le portier du R.C Lens (1968-76) qui n'a aucun lien de parenté avec le producteur québécois, se sentais comme un orphelin sans son bleu de chauffe. Un peu comme un arbitre sans son sifflet. « Si pour une raison ou une autre je devais porter le vert, lâche le portier sang-et-or, je m'arrangeais toujours pour mettre le bleu en dessous. » Jean-Michel Larqué, lui, s'arrangeait toujours pour mettre ses reprises de volée sous la transversale.
Au contraire de Carnus et Baratelli, ANDRE REY n'aimait pas le jaune. D'abord parce qu'il a longtemps gardé les bois des Grenats du F.C Metz (1974-80) puis cette couleur lui portait la poisse. « Chaque fois que j'en portais, mon équipe prenait un carton, ou bien c'était la blessure... » A la veille de partir en Argentine pour le mundial 78, alors qu'il est le numéro 1 dans la hiérarchie des gardiens de l'équipe de France, André Rey se casse le poignet au cours d'un décrassage avec son club. La mort dans l'âme, Dédé reste en Lorraine pendant que Bertrand-Demanes lui chipe sa place. Un canari. Sale jaune
Le Sochalien ALBERT RUST (qui a fait une pige aussi à Montpellier) ne parle pas de superstition, mais de petites manies. « Je mettais toujours le même tricot sous mon maillot de match, concède le champion olympique (1984). Je posais toujours ma pochette de gants au même endroit, à l'extérieur du but, côté droit. Je jouais le plus souvent en maillot vert, et durant toute ma carrière j'avais une petite poupée en laine dans mon sac. » Et il a toujours tenu à rouler en Peugeot. Allez Sochaux quoi.
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