Quand il a vu
Didier Drogba être accueilli par un tonnerre d'applaudissements pour
son son retour à Stamford Bridge sous les couleurs de Galatasaray,
Paul Canoville a dû esquisser un timide sourire en coin, presque
gêné par l'ovation suscité par le joueur ivoirien. Non pas par
jalousie ni envie mal placées, Canoville n'a pas ce caractère, mais
parce que les souvenirs (et beaucoup de regrets peut-être) sont
remontés à la surface ce soir-là . Et pas les meilleurs. Le temps a
parfois du mal à soigner certaines blessures, surtout quand elles
sont basées sur l'ignorance, l'intolérance ou l'incompréhension
et attaquent l'intégrité d'un homme qui rêvait simplement d'être
une star du football. Une vie tranquille et sans emmerdes en somme,
sinon essuyer quelques défaites amères, mais « Canners »
- un surnom qu'il adore - n'avait pas mis sa bonne étoile dans la
poche de son short moulant.
Fils d'émigrés
antillais débarqués en Angleterre après la Seconde Guerre
Mondiale, Paul Canoville grandit dans la banlieue Nord-Ouest de
Londres à Hillingdon. Le père parti faire sa vie ailleurs, c'est sa
maman qui éduque seule le jeune homme. Une mère qu'il considère
comme une héroïne. « Elle m'a conseillé pour agir et
bien penser » concède Canners avec affection. Et qui
ne le lâche pas sur sa progression. Très tôt, le garçon se
passionne pour le cricket, un sport qu'il pratique toujours lorsque
sa carrière décolle, mais le football tient la corde. « J'ai
toujours voulu être footballeur professionnel, depuis tout petit »
confesse Canoville, qui se donne les moyens de ses ambitions en
signant une licence pour l'équipe locale : Hillingdon Borough.
Et le gamin progresse sous les yeux et les conseils avisés de maman.
« Elle me disait d'acheter des vidéos de Pelé,
se souvient Paul, et de réaliser deux fois par jour ce
que je voyais à l'écran pour améliorer mon jeu ».
Canners s'imprègne des remarques maternelles et bosse comme jamais
durant les séances d'entraînement, ou sur son aile en cours de
match. Une recette qui paie puisqu'en décembre 1981, alors qu'il
n'a pas encore vingt ans, Paul Canoville signe à Chelsea. Et devient
par là le PREMIER JOUEUR BLACK à jouer pour les Blues.

Acte raciste ou
non, le rêve de Canners est brisé comme son genou par un nouvel
épisode malheureux dans sa carrière. Le temps de réfléchir sur
soi, mais surtout sur les autres. « J'ai cessé de
comprendre pourquoi les gens sont contre moi, philosophe le
blessé de la vie. Je pense beaucoup à eux mais ne trouve
aucune raison logique dans leurs actes ». Un traitement
par l'indifférence suffirait mais Canners est humain et cherche des
solutions. C'est un battant sur le terrain et dans la vie, même si
celle-ci est souvent dure avec lui. Un de ses nombreux enfants, il en
a eu onze avec dix femmes différentes, meurt dans ses bras, atteint
d'une malformation cardiaque, en 1995. Il plonge alors dans la drogue
et l'année suivante, on lui diagnostique un cancer du système
lymphatique qu'il combat comme un adversaire sur la pelouse. En
rémission, Canners travaille aujourd'hui comme éducateur auprès
des jeunes. Histoire de rattraper le temps perdu avec ceux qui le
sifflaient du haut des gradins. Avec, toujours en mémoire, cette
phrase lâchée au mitan des eighties dans un programme officiel de
Chelsea : « Donnez sa chance à un joueur.
Applaudissez-le et il vous récompensera ». La classe,
on l'a sur un terrain mais aussi dans la vie de tous les jours.
0 Commentaires