Purée de Robert
Vicot ! Au mitan des seventies, la Bundesliga c'est le Far West, ça
canarde dans tous les sens. Des frappes de mule en dehors de la
surface, des six mètres direct dans la lucarne, bref, on troue du
filet avec toutes ces patates en pagaille. C'est le même constat
tous les dimanches soirs après la diffusion de la séquence des buts
étrangers dans « Stade 2 » : la Bundesliga c'est
canon. Un concentré de pralines qui ne laisse pas indifférent, et
inspire même les réalisateurs de l'autre côté du Rhin. Surtout
Peter Shamoni. Le cinéaste berlinois fonce tête baissée dans un
projet farfelu : la réalisation d'un western-spaghetti à la sauce
allemande au nom évocateur - « Potato Fritz ». La
patate prussienne, une expression souvent employée par les
commentateurs à l'époque pendant les directs de coupe d'Europe :
« Papate prussienne de Gerd Müller ! »,
« Offensive des casques à pointe, Paul Breitner à leur
tête ». En gros c'est la cavalerie et une idée trotte
dans l'esprit du réalisateur. Et pourquoi pas un footeux pour
figurer à l'affiche, à côté de l'acteur Hardy Krüger (Un
taxi pour Tobrouk, Hatari !, Le vol du Phoenix ou encore Barry
Lyndon), de mon film novateur ? C'est une aubaine pour Polo le
rouge qui joue parfois au cow-boy sur le pré malgré ses penchants
maoïstes. Le champion du Monde 74 est engagé et réalise ainsi ses
premiers pas officiels au cinéma.
Shamoni a mis
toutes les chances de son côté. Le tournage a lieu en Espagne, là
où la plupart des western-spaghetti sont tournés, dans le désert
de Tabernas du côté d'Almeria et dans le Montana. En décors
naturels, sensations garanties . Le film est pourtant un échec à sa
sortie. Des dialogues dans la langue de Berti Vogts, un scénario mal
ficelé et quelques erreurs de casting aussi. La critique est parfois
sévère pour le milieu du Bayern et l'équipe des patates pourries.
« Le film est assez confus, se lâche encore aujourd'hui
un critique ciné internaute. Et beaucoup d'acteurs, ou plutôt
figurants, ne sont guère doués ». On ne cite pas de noms
mais le footballeur semble bien dans la ligne de mire. Peut-être la
faute de son rôle dans « Potato Fritz »,
rebaptisé « Zwei gegen Tod und Teufel » lors de
sa représentation du 6 mai 1976. Deux contre la mort et le diable.
On en a des frissons dans le dos. Breitner est le sergent Stark, un
militaire frisé comme un mouton qui frôlerait le peloton d'exécution
pour attitude désinvolte. Un rôle peu en rapport avec les idéaux
du joueur, taxé de révolutionnaire par la presse et le public pour
ses prises de position pro-marxistes. Manque de vision du réalisateur
alors ? Affirmatif pour notre Toscan du Plantier du web qui scalpe
Shamoni. « Le réalisateur ne semble pas avoir remarqué les
possibilités qui prêtaient à tirer davantage de cette histoire », se
moque t-il d'un ton moqueur, évoquant le potentiel mal exploité de
l'intrigue. Pour faire court, Hardy Krüger, « Potato
Fritz », est un Prussien émigré dans le Montana,
propriétaire d'une exploitation de pommes de terre, victime de la
guerre que se livre les Indiens Crow et une bande de voleurs d'or.
Lui préfère se bourrer la gueule au saloon. Et les emmerdes
commencent, réglés à coups de poings et de revolvers. Le scénario
est pondu par Paul Hengge. En V.O et en fermant les yeux, personne
n'y croit guère. La bande originale n'arrange rien, grossièrement
pompée sur le modèle italien toujours selon Monsieur Cinéma. En
plus des patates, Paul Breitner récolte aussi des navets en quelque
sorte, bien plus habile sur le rectangle vert que sur les plateaux de
tournage.
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