BIO EXPRESS DEGRADABLE. Alain Giresse.


Quand il était tout petit, Alain Giresse rêvait d'être footballeur. Et à Bordeaux si possible. Natif de Langoiran (33), Gigi en pince pour les Girondins. Rien de plus normal pour un gamin du coin. A l'aube de sa carrière professionnelle c'est le miracle, sauf au niveau de la taille. Alain Giresse est toujours petit (163cm) mais réalise son rêve de jeunesse puisqu'il intègre le centre de formation bordelais. Il joue dans la foulée son premier match officiel le 18 octobre 1970 contre Nîmes. Le début d'un long bail avec les Girondins (592 matchs / 179 buts inscrits). Il est simplement le meilleur buteur de l'histoire du club mais aussi assurément le plus grand joueur que Bordeaux ait connu. Comme quoi la taille ne rentre pas toujours en considération quand on déborde de qualités.


Sous le maillot des Girondins, Alain Giresse est sacré champion de France à deux reprises (1984 et 1985), gagne une coupe de France (1986) et participe à quelques confrontations européennes mémorables (Juventus, Dniepr...). Comme « Gigi » affiche de réelles dispositions en club depuis ses débuts, il est naturellement invité à partager son talent sous le maillot tricolore. Lancé par Stefan Kovacs, il débute sa carrière internationale à Wroclaw le 7 septembre 1974, contre la Pologne, qui vient d'arracher le podium quelques semaines plus tôt lors de la dernière coupe du Monde. Le jeune Bordelais (22 ans) est titulaire, remplacé par Patrick Revelli dans le dernier quart d'heure, mais n'est plus convoqué par la suite. Un silence radio France bleu de près de trois longues années jusqu'à l'arrivée de Michel Hidalgo. Le nouveau sélectionneur lui offre une seconde chance lors d'un déplacement des Tricolores en Suisse (avril 1977). Gigi semble avoir la confiance d'Hidalgo qui le convoque par la suite pour la tournée des Bleus en AmSud (juin 77) et contre le Portugal (mars 78). Mais au moment de partir au Mundial en Argentine, Alain Giresse est absent de la liste. La faute aux blessures successives qui pourrissent la vie du joueur, mais aussi à la catastrophique saison des Girondins en championnat qui évitent de peu la relégation (16ème).


A 26 ans, celui qu'on appelle « le petit » avec tendresse, semble faire une croix sur la Sélection. Mais deux hommes vont changer le destin de Giresse. Claude Bez (président) et Aîmé Jacquet (entraîneur) prennent les commandes des Girondins et vont installer le club dans la hiérarchie du football français. « Gigi » explose littéralement et devient un leader sur le pré. Alors qu'il n'y croyait plus, Michel Hidalgo fait de nouveau appel à lui en mars 1981 pour une rencontre qualificative au Mundial 82 face aux Pays-Bas à Rotterdam. C'est enfin le début de l'histoire d'amour entre l'équipe de France et Alain Giresse qui devient dès lors un pilier des Bleus et un pion essentiel aux yeux du sélectionneur. On connaît tous la suite, le fameux « carré magique » qu'il compose avec Platini, Tigana, Genghini puis plus tard Fernandez, la légendaire demi-finale de Séville (Espagne 82) avec cette image qui reste gravée, courant les poings serrés après son but libérateur croit-on, et le premier succès international des Bleus à l'Euro 84. Sans oublier le mondial mexicain (1986) et le somptueux quart de finale face au Brésil. Une romance qui prend fin devant l'Allemagne, encore une fois, en demi-finale (0-2). A presque 34 ans, « Gigi » prend sa retraite internationale sur un bilan contrasté en terme de sélections (47 et 6 buts inscrits) mais de merveilleux souvenirs à raconter. Cette reconnaissance internationale - il termine notamment deuxième au Ballon d'Or derrière Paolo Rossi - il la doit en premier lieu à son talent, mais aussi au travail de son entraîneur en club Aîmé Jacquet et de son président à la grosse moustache qui le considère comme un fils. Or, de retour du Mexique l'histoire tourne au vinaigre entre eux deux.


Michel Hidalgo, sorti d'une paisible retraite depuis 84 et fraîchement nommé manager de l'O.M de Bernard Tapie, est chargé d'enrôler le capitaine bordelais pour la mise en place d'une grande équipe à Marseille. Quand il apprend la nouvelle, Claude Bez entre dans une colère noire à l'endroit de son petit protégé, qu'il accuse de rompre l'accord tacite passé entre eux en début d'année. « En janvier 86, Giresse m'a donné son accord verbal pour une année supplémentaire comme joueur » s'insurge t-il dans la presse en accusant son joueur de se laisser séduire par le pont d'or offert par l'O.M. « Alain Giresse est parti à Marseille pour de l'argent ». Le président bordelais ne digère pas et vomit sa bile sur le fils ingrat. « Je le méprise profondément […]. L'OM a acheté à prix d'or un garçon sur le déclin. […]. Il voudrait être Platini sans en avoir les moyens physiques et moraux ». Dès lors, « Gigi » est déclaré persona non grata chez lui. Pire, Claude Bez achève de tailler un costard sur mesure pour son ancien capitaine, la dent dure et le verbe tranchant. « Giresse est mort pour les Girondins de Bordeaux. Il est interdit de siège. Il n'aura pas droit au jubilé que nous accordons aux fidèles serviteurs du club ». Alain Giresse termine donc sa carrière à Marseille (1986-88) sur un malentendu et beaucoup de rancœur de la part de son ex-président et des supporters furieux contre l'ex-icône du club. Les deux hommes se retrouvent néanmoins lorsque « Gigi » retourne en Gironde une fois sa carrière terminée, à l'initiative du maire Jacques Chaban-Delmas. Pour une sorte de tentative de réconciliation mais surtout pour l'organisation du jubilé du « petit » à Lescure à la demande expresse de Chaban. Personne ne sait à ce jour ce que les deux protagonistes se sont racontés. Alain Giresse reste muet sur le sujet mais aura tout de même sa fête à Bordeaux le 15 mai 1989 dans une ambiance particulière.





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