INTERVIEW. Pascal Pacaly.


Saint-Étienne, c'est un peu comme Manchester en fait. Si tu veux réussir alors que l'avenir te paraît incertain, il faut passer soit par la musique ou le football. Pascal Pacaly a choisi les deux. Auteur d'ouvrages sur le rock français (La France est rock - trois tomes), celui qui vit à deux pas du stade Geoffroy-Guichard a grandi avec les Verts. L'ASSE, c'est son club et le Chaudron sa maison. Il était donc naturel pour lui de rendre hommage à son équipe favorite, à travers des portraits singuliers qui parcourent toutes les époques du club. « La Vie en Vert » paru chez les Éditions des Joyeux Pendus est son épopée à lui, un travail de deux années faites de rencontres (joueurs, supporters, journalistes...) où chacun évoque son Sainté et ce qu'il représente à leurs yeux. Un livre pour les fans avant tout, mais aussi pour les passionnés de football et son Histoire, rythmé en musique de fond par l'indémodable refrain qui sillonne encore aujourd'hui toute la France. Allez les Verts... Et la vie est tellement plus belle comme ça.

Comment est venue l'idée de ce projet et que cherches-tu à démontrer à travers ce livre ? 
Je suis un grand lecteur de livres d’histoire. L’histoire est fabuleuse. Un magazine, Historia, a pour mantra : « à la lumière du passé le présent s’éclaire ». C’est ça, ce livre, « La Vie en Vert ». L’ASSE est un club unique, mythique. La ville, elle aussi, à travers son histoire - la mine, entre autre - est riche d’un passé qu’on ne saurait oublier. Et tu rajoutes à tout cela le foot, LE sport le plus populaire au monde, car sans doute le plus accessible, et où il y a les sommets les plus enivrants. « La Vie en Vert » c’est un mélange de tout ça, des portraits d’anciens joueurs, de supporters, de personnages-clés. On traverse les époques et on apprend beaucoup de choses sur la façon de jouer comme de vivre, de respirer le foot. La ville aussi a beaucoup changé. Les époques, les mentalités n’étaient également pas les mêmes. Les livres sont les gardiens de la mémoire. C’est ce but que je recherchais : ne pas oublier, apprendre, comprendre les Verts et Sainté. 

De la naissance du projet à la publication du livre, il y a eu deux ans de travail et de rencontres. Quelles sont celles qui t'ont marqué en particulier ? 
Aimé Jacquet, forcément. Forcément parce que c’est la première étoile, parce que c’est la nostalgie d’une autre époque, parce que ça s’est passé chez nous. Parce qu’il en a pris plein la gueule avant le Mondial et parce qu’il n’a toujours pas pardonné. On a touché l’humain, l’ouvrier, on a mis en doute ses capacité car trop « provincial »… Osvaldo Piazza aussi, car la gentillesse transpire de son visage. Et son amour du foot est toujours aussi intact. Quand il te parle de foot, on croirait qu’il vient de raccrocher hier. Et puis idem, quand il parle de l’Argentine, c’est un homme plein de lumière. Mais chaque rencontre est passionnante car ça raconte une époque, une société différente. On peut ainsi voir l’évolution du football mais aussi de la société. C’est, oui, passionnant. 

As-tu essuyé des refus, des promesses non tenues ou des rendez-vous manqués pour l'élaboration de celui-ci ? 
Non, à ma grande surprise - car je ne suis pas réputé pour écrire sur le foot - tous ont joué le jeu. Tout le monde a compris le but d’un tel livre : l’amour d’un club, d’une ville et son identité sportive, sociale. Tout cela est tellement important, et les livres permettent de transmettre ce savoir. Tous ont compris la démarche, et sans nul doute, le fait que je sois de Sainté a aussi pas mal joué. 

Des joueurs en passant par les dirigeants, personnalités et/ou supporters patentés des Verts ou autres acteurs directs et/ou indirects gravitant autour du club, quels sont les absents que tu aurais aimé faire apparaître dans La Vie en Vert ? 
Dominique Rocheteau, Etienne Mendy, Lubomir Moravick… Robert Herbin, Pierre Garonnaire et Roger Rocher ! Ces trois derniers, bon, c’était vraiment compliqué ! Mais plus sérieusement, ce sont les pierres angulaires qui ont permis à l’ASSE de rentrer dans la légende ! Rachid Mekloufi aussi, par rapport à son aventure footballistique avec le FLN, ce côté-là aurait été très intéressant à développer !  

Comptes-tu d'ailleurs donner une suite à plus ou moins long terme à cet ouvrage ? 
Je suis déjà en train d’y travailler ! 

Pascal Pacaly et son copain l'Argentin

Tu baignes dans le Chaudron depuis tes 10 ans et vit à 500 mètres de Geoffroy-Guichard. Quels sont les plus beaux moments que tu as vécu dans ce stade ? 
C’est dur à dire. Je pourrais citer le 5-1 contre Marseille. J’étais avec un ami, on menait 4-0 à la mi-temps… Lors d’une quatrième but, on s’est regardé avec mon pote, on ne comprenait plus rien ! Un immense bonheur mais avec le « non mais il se passe quoi là ?? ». Le 5-4 contre Montpellier, les derbys, et même le match comme Auxerre pour son intensité dramatique. Mais j’adore chaque match, même ceux en ligue 2 de l’époque d’Antonetti, de Nouzaret… Geoffroy Guichard, c’est comme ma maison, je m’y sens chez moi. Ligue 1 ou Ligue 2, la magie, l’atmosphère et l’ambiance dans ce stade, c’est toujours le même plaisir…Allez peut-être que le ciseau de Christophe Landrin contre Valenciennes. Je crois n’avoir pas vu un aussi joli but, esthétiquement parlant. Par contre la finale de la coupe de la Ligue, j’y étais et c’était une belle aventure, mais, je sais pas, Geoffroy-Guichard est vraiment irremplaçable. Après, ce n’était « que » la coupe de la Ligue qui n’avait pas la même valeur qu’une coupe de France, c’était peut-être ça qui faisait la différence inconsciemment. 

Et les pires souvenirs ? 
En termes sportifs, je n’en ai pas. Alors évidemment, c’est relou quand un joueur loupe sa passe alors qu'il est à dix mètres de son coéquipier. C’est relou de se prendre 5-0 contre l’OL, mais ça fait partie du jeu. Si on prend des taules, c’est que nous sommes tout simplement moins forts. Ce que l’on peut accepter à partir du moment où on met tout en œuvre pour que ça ne se reproduise pas. Après, ce qui pour moi, reste difficilement compréhensible, c’est le match contre Troyes lors de la dernière saison où on se contente de jouer le nul à domicile contre un adversaire direct. La peur de perdre avait pris le dessus. Mais avec un public comme le nôtre on n’a pas le droit. Notre public peut et parfois arrive à déstabiliser l’équipe adverse. Il faut donc l’enflammer ! Je veux bien que beaucoup de choses se passent au niveau psychologique mais à Geoffroy-Guichard, tu dois enflammer le match, pas jouer petits bras… Après, en y réfléchissant, je me souviens de derbys dans les années 2000, où il y avait des jets de projectiles et fumigènes entre supporters adverses et c’était flippant, car là on sort du cadre du foot pour tomber dans la débilité de l’être humain. Perdre un œil à cause de crétins finis, perdre une main parce que certaines personnes n’ont pas de cerveau, c’est juste pas possible. OK, pour certains le foot est plus que du foot, mais est-ce que cela te donne le droit de blesser à vie d’autres personnes ? Si vous voulez en découdre, donnez-vous rendez-vous dans un coin tranquille, et tapez-vous sur la gueule si ça vous fait du bien. Qu’une personne soit blessée à vie pour avoir voulu soutenir son équipe n’est pas acceptable. 

L'ASSE vient d'être reléguer en Ligue 2. Comment vois-tu l'avenir du club avec cette descente ? 
Comme toujours il y a tellement de facteurs qui rentrent en compte. La capacité pour les nouveaux joueurs à s’adapter ou non à un nouvel environnement. Et il y a les premiers matches… Si on créé de suite une dynamique positive avec des victoires d’entrée de jeu, tous les espoirs sont permis. Après, le foot est une histoire d’humains, donc avec leurs défauts. Puel a réussi quasiment partout à avoir des résultats… sauf à Sainté. Pourtant tout le monde sait que c’est un bon entraîneur, sur le plan sportif. Mais au niveau du caractère, le conflit avec Ruffier le montre bien, c’est d’abord une histoire d’hommes, de caractères, et ça plombe tout le reste. Le départ sera crucial. Il faut oublier la spirale interminablement négative de la saison dernière. 

Ne trouves-tu pas qu'il y a comme un paradoxe entre le titre de ton ouvrage, porteur d'espoir et de fierté, et la situation actuelle qui tend plutôt à broyer du noir ? 
Pour moi, dans la vie, il faut toujours avoir énormément de recul. Quand on a la chance d’avoir un toit et la santé. Il y a des millions de gens qui meurent de faim, de maladies, cancers etc… Il faut relativiser. Je suis à fond quand je regarde un match, mais une fois sorti du match, de la bulle, il faut se dire que la terre continue à tourner. Bien sûr, on aimerait tous gagner, avoir des titres, mais bon, Sainté n’a pas les mêmes avantages que Paris ou Monaco, et sans argent on ne peut rien. Mais on ne sait jamais. Sainté à une âme. Et c’est avant tout cette âme, cette identité qu’il faut protéger. D’où ce livre. Le foot est d’abord une affaire sociale. Les différentes époques le montrent bien… 

Dans La Vie en Vert, Christian Lopez nous raconte Blokhine...

Un avis peut-être sur la vente du club qui ne cesse d'être retardée pour différentes raisons, propres aux dirigeants actuels ? 
Pas beaucoup d’avis, il y a tellement de choses qu’on ne sait pas, qu’on ne maîtrise pas. Encore une fois le foot c’est de l’humain, de l’argent, de l’ego. Pas toujours évident pour tout le monde de tirer dans le même sens. Après l’argent ne fait pas tout. Au PSG, il y a Messi, Mbappé, et Neymar, trois des cinq-six meilleurs joueurs du monde, et contre le Real ils perdent la boussole en 20 minutes. Pourtant ces joueurs-là, la pression, ils connaissent. Donc oui, il faut de l’argent, mais aussi des joueurs qui veulent se battre pour un club, une ville, pour leurs coéquipiers aussi. On le sait, le foot est le sport collectif le plus individuel. On verra bien ce qui se passera. De là où on est on ne peut rien faire, juste espérer. 

La vie en vert est-elle un art de vivre ? 
Pour certains oui, pour les ultras, ou les passionnés qui ne sont pas ultras, aussi. C’est se dire « je quitte mon quotidien de merde et je bascule dans ma famille foot ou les gens, là, me comprennent vraiment, m’aiment ». C’est « Je ne suis plus un loser, je respire avec l’ASSE ». Donc quand l’équipe perd, c’est une bouffée d’oxygène que tu enlèves à ces gens-là. Ainsi, eux qui attendent depuis des décennies de pouvoir revivre avec des titres, eux qui galèrent, eux qui passent des journées à faire des tifos, à faire des centaines de kilomètres pour venir au stade, oui, tous ces gens-là n’en peuvent plus, sont à bout, au bout du bout... et ils évacuent leur frustration dans la violence. Ce n’est pas la solution, mais c’est le seul moyen qu’ils ont trouvé… 

Ton autre passion est aussi la musique, tu as aussi écrit sur le sujet. Quels sont tes goûts musicaux et les groupes que tu supportes ? 
Le rock français, of course ! Il y a tellement et tellement de groupes qui mériteraient d’être mieux connus ! Hélas, nous n’avons en France pas la culture anglais ou américaine. Mais il ne faut pas baisser les bras ! Surtout, il faut être curieux, et comme toujours ne pas se laisser influencer par les médias. Il faut découvrir par soi-même, oui, être curieux, encore une fois il y a un nombre incroyable de groupes de rock géniaux. J’avais – outre le débat qui va avec – une forte attache pour un groupe comme Noir Désir : leur musique me parlait vraiment. Mais un groupe comme Merzhin me porte également. Ou Eiffel pour ceux qui connaissent. Et pour ceux qui ne connaissent pas, il n’est pas trop tard ! 

S'il ne devait y avoir qu'une seule personnalité ou entité qui incarne le mieux l'ASSE, quelle serait-elle pour toi ? 
C’est très compliqué car les époques sont tellement différentes. Dans les années 70 le joueur appartenait au club, pour toute leur carrière ! Aujourd’hui, tu peux partir sans même être arrivé ! Je pense qu’il faudrait faire un mélange entre les Verts de 76 et Loïc Perrin : ces joueurs évoquent l’amour du maillot, l’identité de la ville et la fidélité au club. Mais des gens comme Pierre Garonnaire, Robert Herbin ou Roger Rocher sont pour moi les pierres angulaires, ceux qui ont fait l’histoire, qui ont permis que le club rentre dans la légende et le cœur des gens. 

Enfin, quelle la nature des premiers retours sur ton livre depuis sa sortie ? Et des échos sur les nombreuses personnalités qui se succèdent dans La Vie en Vert ? 
Ce n’est pas pour me vanter, mais je n’ai eu que des compliments. Ca change d’une bio pure et dure d’un Messi ou Ronaldo. Là, transpire dans ces pages l’amour des Verts et de Saint-Étienne. Les gens l’ont compris, ressenti. Et puis c’est bourré d’anecdotes sur les équipes des différentes époques. Quand on aime les Verts, on ne peut qu’aimer ce livre, vraiment. C’est l’amour et l’hommage d’un écrivain stéphanois pour son club de toujours. 


INFOS : 

La Vie en Vert est dispo ici : 

Lien auteur : 

Le livre de chevet de Romain Hamouma

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires