Son histoire est d'abord celle d'une légende, non pas celle de Paris
St Germain, elle naîtra bien plus tard après le passage éphémère
du Portugais dans la Capitale. Toute la vie de João António
Ferreira Resende Alves est inscrite dans ses gants noirs qu'il porte
sur tous les terrains. Un hommage au grand-père, Carlos Alves,
ancien international avant-guerre. A l'époque, le public se
passionne pour les rencontres Portugal-Espagne. Un jour, avant le
derby entre les deux pays, une jeune femme s'approche du papy et lui
offre une paire de gants noirs. « Pour vous porter chance »
lui assure l'inconnue. Et le Portugal gagne. La première victoire
des Lusitaniens sur l'Espagne. Le grand-père, superstitieux, ne
quittera plus son porte-bonheur et enjoint son petit-fils lorsqu'il
intègre les juniors de Benfica de perdurer le mythe. João Alves refuse, ce n'est pas son histoire, jusqu'au jour le bien-aimé
quitte ce monde. Ce grand-père qui a élevé et servi de modèle au
bambin. Dès ce jour, João Alves poursuivra alors la tradition familiale
et honorera la mémoire du défunt, sans pour autant qu'elle
n'épargne le joueur des pépins inhérents à la vie de footballeur.
De ses débuts à Benfica, Alves garde un souvenir amer. Une vilaine
blessure au ménisque et des problèmes avec les dirigeants du club
le conduise à s'expatrier du coté de Varzim (1972-73) et Montijo
(1973-74) avant de s'installer à Porto pour deux saisons. Avec
Boavista, la carrière de João Alves prend un vrai départ, l'effet
du maillot à damier, avec quelques titres au bout de la course : un
doublé en coupe du Portugal (1975 et 76). C'est de là que club
espagnol de Salamanque vient le chercher. Une bonne affaire pour
quelques pesetas (10 millions) qui ravit tout le monde et le
principal intéressé. « Le championnat espagnol est
beaucoup plus dur et surtout plus rapide que le championnat
portugais, lance Alves en pleine bourre. Je m'y suis adapté
et y ai progressé car la préparation y est également plus
intense ». C'est avec un nouveau mental et toute une
palette technico-tactique que le Portugais retourne au pays après
son expérience en Espagne. A Benfica. Pour effacer les déboires de
sa jeunesse et gagner la confiance de ses dirigeants et de son
entraîneur, l'Anglais John Mortimore, qui se frotte les mains à
l'idée de voir évoluer le milieu ganté dans ses rangs. « A
natural skill » dit de lui le coach britannique. Des éloges
qui ne laissent pas insensibles Francis Borelli. Un an après son
come-back, le président du PSG débauche la perle rare à l'été 79
en mettant ma main au porte-monnaie : 300 millions de centimes. Une
somme rondelette mais Paris a besoin de faire rêver son public. «
Non seulement c'est une recrue de choix, lâche le dirigeant
parisien après les négociations, mais c'est aussi un transfert
intéressant. D'autant plus appréciable que Bordeaux était sur le
coup ».
L'idée (géniale) de Borelli est de ramener du monde au Parc. Avec
la star portugaise, international de surcroît, le bon président a
le nez creux et des idées plein la tête. Les nombreux Portugais
exilés en Ile-de-France viendront remplir l'enceinte de la porte
d'Auteuil et son PSG se hissera au sommet du championnat. A 27
ans, Alves débarque avec un statut de vedette et les attributs
inhérents à sa condition. C'est le plus gros salaire du club
(50.000 francs/mois), amorti cependant par les recettes aux entrées
où des milliers de compatriotes viennent applaudir dès le début de
la saison le Portugais dans ses œuvres. Le public est ravi mais déjà
les observateurs spécialisés ne tardent pas à remarquer les
carences du joueur qui rechigne à se fondre dans le jeu collectif.
Les dirigeants réclament de la patience, João doit s'adapter au jeu
de partenaires qu'il découvre. Or, il n'en aura pas le temps. Fin
août 79, PSG se déplace à Sochaux. En cours de match, Alves subit
un tacle trop appuyé de Genghini. Le Portugais se tort de douleur et
pour cause : fracture de la jambe. Alves ne se relèvera jamais de
cette blessure sans pour autant accuser son bourreau d'un soir : «...
A Sochaux, la pelouse est glissante, se souvient João. Genghini
me tacle, sans intention de me blesser. Je ne lui en veux pas, ce
sont les risques du métier. Mais il me casse la jambe droite. Jamais
je n'ai ressenti une telle douleur. J'avais le pied et un morceau de
la jambe d'un côté, le reste de l'autre côté. L'arbitre n'a même
pas sifflé faute... ». Les choses se remettent en place
mais la rééducation du joueur prend plus de temps que prévu. Au
sein du club parisien, on soupçonne le Portugais d'y mettre un peu
de mauvaise volonté. L'accusé se défend en affirmant aimer Paris.
Trop en fait. Le Portugais préfère les lumières de la ville à
celles du Parc des Princes. Il cache surtout un gros malaise. L'homme
aux gants noir a le cafard et le mal du pays. Un an après son
arrivée bling-bling au club, Alves quitte Paris dans l'indifférence
et 19 matches officiels au compteur. L'épisode parisien refermé,
l'homme qui valait 300 millions de centimes revient à Benfica
(1980-83) où il réalise deux doublés coupe-championnat (1981 et
83) avant une ultime pige à Boavista (1983-85). Aujourd'hui
retraité, João Alves garde cette cicatrice profonde qui lui déchire
le cœur au sujet de Paris. « Je vis toujours avec une
plaque et dix broches dans la jambe, avoue l'ancien international
aux 36 sélections. Je continue de percevoir tous les trimestres
une pension de la Sécurité sociale française ». PSG est
magique en quelque sorte, même sur une jambe.
Des gants noirs et une barbe folk. Un hommage à Grandaddy.
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