Juin 88,
l'Allemagne est au centre de tous les regards. Le pays de Goethe
organise l'Euro de football quatorze ans après son Weltmeisterschaft
qui nous laisse sur le souvenir ému de Tip et Tap, deux gugusses aux
joues rosies par l'abus de cochonaille locale affichant un sourire
niais mais radieux, et fait apparaître leurs dents déchaussées.
Une manière très germanique de souhaiter la bienvenue aux
visiteurs. La marque de fabrique du fameux bon goût allemand arrosé
des relents de bière pas fraîche. Du passé, la Mannschaft fait
table rase au moment d'accueillir son championnat d'Europe. Exit nos
deux benêts. L'Allemagne veut un symbole fort présenté sous les
traits d'un léporidé à grandes oreilles qui répond au nom de
Berni. Bah oui les chouchous, notre bon voisin d'Outre-Rhin est un
petit lapin, agile et chaud comme la braise à l'image d'un pays qui
ne débande plus depuis le choix de l'UEFA - signe d'une croissance
démographique en pleine explosion dans le futur. La Mannschaft
battue en ½ finale de son tournoi, la bête à poils disparaît
subitement de la circulation sans laisser de trace. Mais alors,
what's new doc depuis le temps ? Enquête au fond du trou, histoire
de faire sortir notre Garenne de son terrier.
Des
recherches qui débutent près de chez nous. A la descente de scène
de la tournée « Age tendre et têtes de bois »
plus exactement, auprès de deux grands enfants séniles.
Jean-Jacques Debout et sa compagne nous accueillent dans leur loge
commune, lui tranquillement assis devant sa table de maquillage, elle
toujours dans le feu de l'action. « Voulez-vous danser
grand-mère ? » Non merci, je ne savais pas que je faisais
si vieux, sympa, mais je suis là pour prendre des nouvelles de
Berni. Vous savez, le lapin ? Dans un éclair de lucidité, nos deux
vieillards se rappellent. C'est elle qui prend la parole : « Ah
mais oui, maint'nant qu'j'y suis, j'me souviens. Ce matin, un lapin a
tué un chasseur. C'était un lapin qui.... C'était un lapin qui...
avait un fusil ». Pas toujours simple la mémoire qui joue
des tours. J'espère au moins que ce n'étais pas un chasseur
allemand. Un teuton armé, c'est jamais bon signe. Elle : « Pfff...
non, c'était un chasseur alpin... hiiiiiihiii ». OK, nous
sommes au moins sur une piste. Noire au vu des infos. Pas la moindre
trace de petites crottes de ce côté de la frontière. Il nous faut
passer le Rhin. On sonne chez Nena, toujours à compter ses ballons :
« 96... 97...98 ...99... Ja, komm hier bitte ». La
chanteuse allemande se lance dans un monologue à la gloire de la
Bundesliga. Traduction : « Toutes ces longues
transversales, ces grosses patates et ce ballet aérien des ballons
en l'air, ça m'a inspiré une chanson. Un hit au sommet des charts
et depuis, plus rien ». C'est dommage mais Berni alors ?
« Il a fini en civet, avec des p'tits oignons et une sauce
au vin rouge ». Jean-Pierre Coffe s'invite à table et
corse un peu plus notre marché à l'information. « Et
c'était pas d'la merde ! » Super Jipé. Nous, on
pédale toujours dans la semoule quand, fruit du hasard et d'une
rencontre sur une aire d'autoroute en pleine nuit, nous nous
retrouvons nez à nez avec des membres de la société protectrice
des lapins. Les yeux explosés par les phares et les cocktails
douteux, les Little Rabbits - c'est le nom de l'organisation -
reviennent d'une tournée en Suède où ils ont prêché la cause
animalière : « Votre Berni, on l'a vu chez les Scandinaves.
Il se faisait appeler Rabbit là-bas, et officiait en qualité de
mascotte pour l'Euro suédois. Il avait toujours cette gueule
souriante et s'était fait une nouvelle garde-robe pour l'occasion ».
Un drôle de lapin celui-là. Mais de nous endormir soulagés d'avoir
mené, enfin, notre enquête à son terme. Enfin presque. Depuis
l'Euro 92, Tomas Brolin a sérieusement grossi et plus de news de
Berni.
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