Quelques mois après la fin de leur épopée à Anfield Road, où les Verts sont asphyxiés par les chants du Kop et des Reds virevoltants, l'ASSE retrouve un autre club anglais pour la nouvelle saison européenne 1977-78.
Et encore des
Rouges ! Des diables cette fois-ci. Manchester United, à la
recherche de son illustre passé, rend visite aux Stéphanois le
mercredi 14 septembre à l'occasion du premier tour de la Coupe
d'Europe. Mais ce n'est pas la « grande » coupe,
celle qui fît la légende des hommes de Robby Herbin. Cette année,
St-Etienne joue la Coupe des vainqueurs de Coupes, la C2, un label
moins glorieux pour le président Roger Rocher qui déplore le manque
d'engouement autour de la rencontre. Le « chaudron »
est moins garni qu'à l'accoutumée pour cette soirée de gala. « Ce
soir, le stade est stéphanois, lâche le boss des Verts qui
a brillé par son absence au repas d'avant-match, alors que
d'habitude, il était français ». Sainté ne ferait-il
plus recette auprès du grand public ? C'est déjà un peu la
gueule de bois à Geoffroy-Guichard envahi par une meute de 1.500
supporters anglais mélangés aux Stéphanois dans les tribunes
populaires ! Une mesure qui inquiète d'ailleurs les
observateurs de la presse britannique. La « red army »
prend place dans le kop sud et ne tarde pas à faire causer d'elle
avant le début de la rencontre. La veille déjà, la police locale
avait dû en découdre en ville avec quelques agités. Les premiers
chants, puis les premiers jets de projectiles. Les hooligans anglais
tirent les premiers dans les tribunes et déclenchent des bagarres.
C'est la panique à Geoffroy-Guichard où l'on dénombre plusieurs
dizaines de blessés. Comme deux ans plus tôt lors de la venue de
Leeds au Parc des Princes, la France (re)découvre le hooliganisme
« made in Britain ». Le peuple vert a perdu la
bataille des gradins, aux poings et à l'intimidation. Sur le pré,
les Stéphanois subissent aussi les assauts de Manchester. L'ASSE a
pris la direction des affaires en début de rencontre, le public
réclame un but. Mais ce sont les anglais qui tirent une nouvelle
fois les premiers. Hill marque mais le but est refusé. Hors-jeu. Une
première alerte pour des Verts qui butent devant la cage de Stepney.
Piazza, Bathenay puis Patrick Revelli, Barthélémy et Santini qui
manque l'immanquable juste avant le repos. La défense mancunienne
est une forteresse qui opère par des contre-attaques percutantes,
McIlroy, Pearson et Hill en tête d'une armée rouge qui a faim de
conquêtes.
La seconde période est un
copier/coller de la première mi-temps. Manchester imprime le rythme
du match. Rocheteau remplace la jeune recrue Barthélémy en attaque,
et les Verts retrouvent des couleurs et du tonus. Un éclair de
courte durée puisque les « Red Devils » scorent par deux
fois, par Hill, encore lui, et Mc Grath ! Deux buts à nouveau
annulés pour ds positions de hors-jeu. St-Etienne ne profite pas de
ce coup du sort. A l'entame du dernier quart d'heure, nouvelle alerte
dans le camp stéphanois. Pearson échappe à Farison, lequel a perdu
ses jambes d'antan, et centre pour... Hill qui place une reprise au
fond des filets de Curkovic. United mène à Geoffroy-Guichard. La
réaction des Verts ne se fait pas attendre. Synaeghel égalise deux
minutes après l'ouverture du score anglaise. St-Etienne maintient
ainsi un maigre espoir en vue du match retour, car après la partie,
les avis sont unanimes. Les Verts paraissent fatigués et moins
concernés par les grands rendez-vous européens. Une mauvaise
digestion de la finale de Glasgow ? le départ de Larqué en
début de saison ? Les contrats de Synaghael et Bathenay qui
arrivent à leur terme ? Des motifs qui soulignent les
difficultés rencontrées par l'ASSE sur le pré. Plus de cohésion,
ni de solidarité. « Et puis, il s'agissait d'un gros
morceau pour un premier tour, tient à se rassurer Robby en
conférence de presse. Avant de se confondre en excuses. Je
sentais l'équipe moins conquérante que la saison précédente.
Contre Manchester, elle a donc paru accuser le contre-coup de la
gloire. Et puis, il y a eu les fameux incidents dans les gradins...».
Dans le Forez, l'heure n'est pas à la fête mais aux bilans. A
l'amorce d'un match retour très incertain, St-Etienne ne semble plus
être un grand de la scène européenne.
- LE MATCH EN VIDEO -
« Notre qualification sur
tapis vert et finalement la match à jouer sur terrain neutre à
Plymouth. C'est un passage difficile de notre histoire européenne ».
La confrontation entre les Verts et les Diables Rouges a marqué
l'esprit de l'entraîneur stéphanois. Celui du public aussi, et de
l'UEFA. Après les incidents du match aller provoqués par ses
supporters, Manchester United est exclu de la compétition le
dimanche 18 septembre. Sainté est qualifié, il n'y aura pas de
match retour ! Une décision « pour l'exemple »
qui provoque une réaction mitigée en France. La presse et les
Stéphanois y voient là une injustice pour l'équipe anglaise,
correcte sur la pelouse. « Gagner sur tapis vert ne
m'intéresse pas, lance Herbin fair-play. D'autre part,
les joueurs de Manchester ne méritent pas ça ». Le
lendemain, le jury d'appel de l'UEFA juge l'affaire. Finalement, la
rencontre peut avoir lieu. Sur un terrain neutre à au moins deux
cents kilomètres de Manchester. « C'est une décision
lâche qui équivaut à peu près à taper sur les doigts de Jack
l'éventreur et à lui demander d'être un bon p'tit gars »
écrit le Daily Mail, courroucé par le jugement. Le club est par
ailleurs condamné à payer une lourde amende (30.000 francs
suisses). Highbury, l'antre des « Gunners » et
Stamford Bridge, l'enceinte des « Blues », sont
évoqués pour la recevoir la rencontre. Et puis, c'est Wembley. Ou
encore Aberdeen. Le choix se porte enfin sur Plymouth, un port du
sud-ouest de l'Angleterre.
Le 5 octobre, cent-vingts bobbies et maîtres-chiens sont réquisitionnés pour l'occasion dans le stade champêtre de Plymouth Argyle. Le public anglais applaudit d'ailleurs les invités du soir. Une ambiance bon enfant qui contraste avec les affrontements à Geoffroy-Guichard. La partie est plutôt tranquille lorsque Manchester prend le jeu à son compte. Pearson, qui s'était déjà signalé dans le Forez, ouvre la marque à la demi-heure. St-Etienne est incapable de réagir. Rocheteau ne dribble plus comme à Ibrox, Piazza chevauche dans le vide, les Verts ont perdu leur football labélisé Coupe d'Europe. « Comme lors du match aller, se désole Herbin, il nous a manqué cette flamme qui nous habitait la saison précédente. Le match fut relativement quelconque et Manchester l'a emporté parce qu'il le désirait davantage ». En seconde période, et contre le vent, St-Etienne sombre. L'insaisissable Steve Coppell réalise le break à l'heure de jeu et plonge le peuple vert dans la nostalgie des heures glorieuses. L'ASSE est éliminé au premier tour de la Coupe des vainqueurs de Coupes. Une anomalie qui pointe les limites actuelles de l'équipe, perdue dans son récent passé qu'elle digère difficilement. « Il fallait bien que cela arrive, confie Roger Rocher dans les vestiaires avec la mine des mauvais jours. Mais je ne veux pas avoir l'air abattu, et qu'on ne descende pas St-Etienne en flammes, après l'avoir tellement encensé ». Des propos qui viennent du cœur. L'homme à la pipe sait que son équipe est désormais dépassée, et vit ses dernières heures. Il est temps de passer à une nouvelle génération. Dans la tête d Roger Rocher, elle est composée de stars.
- LE MATCH EN VIDEO -
8 Commentaires
Je ne me rappelais plus de ce match-là. C'est plutôt le match contre Liverpool, 6 mois avant, qui m'avait marqué, avec ce but fantastique de Bathenay à Anfield, et les deux coups de poignard de Fairclough !
RépondreSupprimerÇa fait toujours plaisir de voir des articles comme celui-ci. Comme je n’étais pas encore née à cette époque, cela me permet d’apprendre des choses que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerBien à vous...
RépondreSupprimerMon père était à Geoffroy Guichard et les couteaux et les gens écrasés contre les grilles avaient marqué les esprits. Je m'en souvient encore, j'avais 11 ans !
RépondreSupprimerSouvenir marquant effectivement ! Merci pour ton commentaire.
SupprimerLe deuxième but à Liverpool est de Fairclough, mais pas le premier...Ray Kennedy de mémoire....
RépondreSupprimerKeegan, Kennedy et Fairclough :)
SupprimerManchester était le début d'une grande traversée du desert..malheureusement.
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