MATCH REPLAY. Le jour où... Pierre Littbarski balance sur Paname.


De retour à Cologne après un passage express au Racing, Pierre Littbarski se lâche auprès du correspondant allemand – Rainer Kalb – dans les colonnes de l'hebdomadaire France Football. Dans son édition du 25 août 1987, l'attaquant de la Mannschaft balance tout et règle ses comptes avec les membres – joueurs et staff – de l'équipe parisienne. Une bonne thérapie pour celui qui s'est senti considéré comme un paria dans le club de Lagardère. Effet Séville ou pas, Pierre Littbarski n'a pas du tout apprécié son exil dans la capitale, et tient à le faire savoir.

« Le Racing reste une troupe de mercenaires qui ne fera jamais une équipe » balance Litti en montrant les crocs. « On ne m'a jamais accepté » surenchérit-il dans la foulée de son départ. « J'espérais que, cette année (Pierre Littbarski débute la saison 1987-88 et joue les deux premières journées avant de partir), ça irait mieux, mais rien n'avait changé. Au cours des deux premiers matches, on ne m'a donné quasiment aucun ballon » regrette l'homme aux jambes arquées. Privé de baballe, Litti enrage contre ses partenaires... qui n'en sont pas finalement. « Les buts que nous avons marqués la saison dernière (1986-87) ont été le résultat d'actions individuelles. Les combinaisons, le jeu collectif n'ont jamais existé. Chacun voulait se mettre en valeur et empêcher l'autre de briller. » Et pan dans le gueule, mais c'est pas tout !

Pierre Littbarski évoque ainsi ses premiers mois à Paname. Un mauvais thriller sauce R.C.P selon l'intéressé : « Au départ, il y avait trois ou quatre hommes qui semblaient décidés à ne pas se laisser faire, mais, au bout de quelques semaines, tout le monde s'est tu. Les dirigeants sont allés chercher un deuxième Uruguayen, sans aucune explication. Je pense que cela avait un rapport avec les affaires de Matra. Puis on a vu défiler trois entraîneurs en quatorze mois. Tout cela prouve que l'organisation n'était pas très professionnelle. » Une attitude que le vice-champion du Monde 82 et 86 goûte très peu, lequel continue de lancer ses fléchettes à l'endroit du club parisien. « J'ai dû chercher ma maison moi-même, fulmine Litti, personne ne m'a aidé au club. Et, pour comprendre mon contrat de location, je me suis débrouillé pour trouver un interprète. » Pierre Littbarski à Paris, c'est comme un tube de Jean-Jacques Goldman, un gars qui marche seul dans les rues, sans personne. Et pas un copain pour trinquer avec lui à la taverne Kronenbourg.

On est à des années lumières de la Deutsche qualität sur le plan humain. Mais que dire du sportif ? « Le Racing est un club trop artificiel, où l'amitié et la chaleur humaine n'existent pas [...] L'absence de véritable professionnalisme, que je déplorais parmi les dirigeants, se retrouvait également au niveau de l'équipe. » Et là, Litti pointe sur l'attitude un rien glandouilleuse de ses ex-partenaires. « On fumait dans les vestiaires, on faisait circuler des journaux turfistes, se rappelle notre chère tête blonde qui vide son sac sur Luis Fernandez, pas vraiment en odeur de sainteté. « Au cours d'un stage, Fernandez et plusieurs joueurs sont partis, à 2 heures du matin, parier dans un bistrot. L'entraîneur en a été témoin et n'a rien dit. Fernandez avait pris des habitudes de vedette. Certaines semaines, il n'est venu que trois fois à l'entraînement, et personne n'a osé lui demander les raisons de ses absences. Bref, le travail n'était pas sérieux. » Luis, le caïd de Rueil-Malmaison, est rhabillé pour l'hiver ! Seul le regretté Philippe Mahut est épargné, son « seul copain avec un des jeunes qui ne faisait pas partie des titulaires. » Le reste, tous des cons voir pire.

Malgré son désir d'intégration, Pierre Littbarski est mis au ban du vestiaire parisien. Pourtant, que d'efforts pour plaire à ses coéquipiers, lui qui arrive toujours les mains pleines après ses allers-retours en Allemagne. Des produits moins chers qu'en France, des crampons de meilleure qualité, de l'eau de Cologne détaxée et des saucisses longues comme le bras. « Eh bien, malgré tous ces menus services, on ne m'adressait jamais la parole, s'étonne encore Litti, revanchard et amer. J'essayais de comprendre la langue, en dépit de la vitesse à laquelle ils parlaient, mais personne ne m'a aidé. J'étais là sans y être. » Pierre Littbarski quitte ainsi Paris dans l'anonymat, obligé de prêter de l'argent au F.C Köln pour que ce dernier rachète son contrat. Un vrai soulagement pour celui qui ne pige pas vraiment le mode de vie à la française. 

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